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mercredi 21 mars 2018

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L'homme éternel est né ! Social media et data center : une nouvelle vie après
la mort ?

Sommaire : Chaque minute, trois personnes inscrites sur Facebook
meurent dans le monde. À ce rythme, le réseau social aux 2 milliards
d'utilisateurs comptera bientôt plus de membres morts que vivants. En
filigrane, ce constat dévoile des nouvelles problématiques complexes.
Social Media Club France

Par Social Media Club France pour [39]Social Media Club | Lundi 19 Mars
2018

Par Élise Koutnouyan

Les trois points à retenir :

* On assiste à une prise de conscience autour de la nécessité de
gérer son identité numérique post-mortem
* Les proches ont de plus en plus tendance à s'approprier le profil
du défunt,
* La législation est en train d'évoluer pour permettre confier à un
tiers de confiance un droit d'accès à ses données numériques
post-mortem

Chaque minute, trois personnes inscrites sur Facebook meurent dans le
monde. À ce rythme, le réseau social aux 2 milliards d'utilisateurs
comptera bientôt plus de membres morts que vivants. En filigrane, ce
constat dévoile des nouvelles problématiques complexes : que deviennent
nos données post-mortem ? Qui doit les administrer et comment anticiper
la gestion de ce pan numérique de notre vie (et notre mort) ? Le "deuil
numérique" dans ses implications sociétales, légales et économiques est
un terrain d'études qui commence à peine à être défriché.

Pour en discuter, nous avons invité Lucien Castex (Université Sorbonne
Nouvelle, ANR ENEID), Olivier Desbiey (CNIL), Fanny Georges (Université
Sorbonne Nouvelle, ANR ENEID), Morgan Jerabek (Neuron Partners) et
Frédéric Simode (Grantwill). Cette session de la commission CNRS était
animée par Claire Wehrung et Paul Roy.


Notre identité numérique s'est façonnée en même temps que le Web. Alors
que l'utilisateur devait créer son propre site internet ou sa page
personnelle dans le Web 1.0, l'arrivée des réseaux sociaux a fait
évoluer notre profil numérique. « Le Web 2.0 a introduit une
standardisation et une valorisation implicite des informations qui
caractérisent l'usager, analyse Fanny Georges (Université
Sorbonne-Nouvelle) qui parle d'identité agissante [1] (la reformulation
par le système informatique des informations relatives aux usagers) et
d'identité calculée (la valorisation de certaines informations par
l'usager comme par exemple en mentant sur son âge sur Facebook). À ces
deux facette d'identité s'ajoutent les données collectées par les
systèmes informatiques à l'insu de l'utilisateur, par exemple sa
géolocalisation. L'ensemble de ces informations, produites
intentionnellement ou non, compose l'identité numérique de
l'utilisateur. Dès lors, s'intéresser à l'identité numérique
post-mortem consiste à s'interroger sur « le devenir des données de
l'utilisateur lorsqu'il n'est plus », définit Fanny Georges : c'est
l'objet du programme ENEID Eternités numériques (ENEID)
[2][40] [http://eneid.univ-paris3.fr/] financé pendant 4 ans par
l'Agence Nationale de la Recherche.

Les données qui parlent à la place du défunt

Or, ces informations revêtent une charge émotionnelle importante après
le décès de l'utilisateur comme l'a constaté Fanny Georges à travers
les entretiens menés dans le cadre dde l'ANR ENEID : « il y a un
investissement symbolique très fort de ces données qui parlent à la
place du défunt ». Suite au décès, les proches ont tendance à prendre
en charge ces espaces d'expression numérique : un quart des profils
Facebook de défunts est animé par un membre de leur famille, voire
plusieurs, ce qui peut devenir source de conflits. Depuis 2016, le
réseau social offre deux possibilités en cas de décès : supprimer le
compte ou le transformer en page « hommage ». Seuls 3% des cas sont
concernés par cette dernière option, souvent jugée trop lourde à gérer
au moment du décès.

Selon le règlement de Facebook, il est interdit de modifier ou publier
sur le profil d'un défunt. Pourtant l'enquête ENEID a montré qu'un
quart des pages facebook est modifié après la mort des usagers par des
proches qui utilisent les identifiants du défunt et publient ainsi par
exemple l'annonce de leurs funérailles. Il est choquant pour ceux qui
apprennent ainsi le décès, de l'apprendre par le défunt qui annonce son
propre décès sur Facebook.

Il n'est pas rare que les proches continuent par la suite r à investir
les profils notamment pour embellir l'image laissée sur Internet et in
fine mettre en valeur la personne décédée. « Pour de jeunes personnes
décédées, cela peut consister à découper des gestes obscènes sur des
photos ou bien supprimer des posts contenant des mots vulgaires »,
détaille Fanny Georges [3]. Plus largement, il n'est pas rare que des
familles veuillent « protéger » l'image d'une personnalité publique
défunte. « On nous demande par exemple que les deux premières pages de
résultats de Google soient nettoyées afin de ne faire ressortir que les
éléments positifs de sa vie», explique Morgan Jerabek (Neuron
Partners). Le droit à l'oubli existe théoriquement pour protéger le
référencement de ces informations personnelles, cependant cela ne
s'applique pas aux personnalités publiques le plus souvent, couplé à la
question des droits post-mortem.

Prévoir le devenir de ses données post-mortem

Actuellement, ce sont donc majoritairement les proches ou héritiers qui
prennent en charge la gestion de l'identité numérique post-mortem. Mais
les mentalités évoluent : « lors du projet ENEID, on a remarqué une
volonté croissante des gens d'avoir la main sur le devenir post-mortem
de leurs données », analyse Lucien Castex (Université
Sorbonne-Nouvelle) : selon l'enquête statistique réalisée dans le cadre
du programme, 10% des personnes interrogées souhaiteraient conserver
tel quel leur propre profil après leur mort, 30% voudraient le
supprimer complètement et 30% voudraient qu'il soit accessible
uniquement aux proches. Face à ce constat, des outils se mettent en
place pour permettre aux utilisateurs de prévoir le devenir de leurs
données post-mortem. « Pouvoir gérer tous les éléments de sa vie
numérique depuis son clavier », tel est le credo de Frédéric Simode
(Grantwill) dont la start-up propose un coffre-fort numérique où
stocker ses données personnelles et administratives destinées à être
transmises au moment de sa disparition.

Dans le cadre législatif, la situation évolue lentement. Ainsi, le RGDP
(prévu en mai 2018) consacre le droit au déréférencement des données,
le « droit à l'oubli ». Toutefois, comme le rappelle Olivier Desbiey,
du Laboratoire d'Innovation Numérique de la CNIL, « tous les droits
liés à l'individu s'éteignent le jour de leur décès », et c'est le cas
de ce nouveau règlement européen. Pour répondre à ce vide juridique, la
loi pour une République numérique, votée en octobre 2016, introduit le
maintien provisoire de ces droits liés aux données personnelles en
permettant aux personnes de donner des directives relatives à la
conservation, à l'effacement et à la communication de leurs données
après leur décès. Ces directives sont générales lorsqu'elles portent
sur l'ensemble des données d'une personne ou particulières lorsqu'elles
vont concerner certains services spécifiques. La loi prévoit que de son
vivant, les directives générales peuvent être confiées à un « tiers de
confiance » certifié par la CNIL. Et même en l'absence de « testament
numérique », les héritiers peuvent exercer certains droits: le droit
d'accès s'il est nécessaire pour le règlement de la succession du
défut,et le droit d'opposition pour la clotûre des comptes utilisateurs
du défunt. Cependant, ces dispositions de la loi Lemaire sur
l'organisation du sort de ses données personnelles après la mort ne
sont pas encore opérationnelles, faute de décret.

Plus largement, le monde législatif se fait l'écho des questionnements
sur l'avenir des données post-mortem. Récemment, le débat a porté, via
[41]une tribune dans Le Monde sur la patrimonialisation des données :
doit-on posséder ces données, et donc pouvoir les monétiser ? Doit-on
harmoniser les régimes de succession entre biens matériels (comme le
journal intime) et données numériques (qui peuvent s'entendre comme un
journal intime dématérialisé) ?

« On est à la frontière entre le droit personnaliste et le droit
patrimonial», selon Lucien Castex (Université Sorbonne-Nouvelle).

Entre illusion de vie éternelle et deuil impossible

Ces controverses législatives reflètent in fine la question prégnante
qui entoure l'identité numérique post-mortem : doit-on protéger les
droits et volontés du défunt ou ceux des proches ? La gestion de ces
données apporte une nouvelle dimension au deuil et la présence de ces
traces numériques peut adoucir ou au contraire exacerber la douleur de
l'absence. « Il est important de penser en termes de données
personnelles : l'ordinateur du défunt peut devenir une relique, le
centre de la mémoire du proche décédé », souligne Fanny Georges.
[42]Dans un article, Rue89 témoigne de la difficulté, pour certains,
d'effacer le numéro de téléphone d'un mort : « plusieurs personnes
m'ont exprimé leur douleur à supprimer les comptes, certains
employaient cette même expression 'tuer une seconde fois" leur proche:
le profil Facebook devient métonymique de la vie du défunt», confirme
Fanny Georges. Pour d'autres, surtout de jeunes usagers, le numérique
donne l'illusion d'une vie éternelle. Et si le profil numérique d'un
mort permet de maintenir le souvenir, il peut en même temps prolonger
le processus de deuil.

C'est un nouveau rapport à la mort qui s'amorce au regard du numérique.
À tel point que la pop culture s'en est emparée : les séries Real
Humans et Black Mirror (épisodes « Be Right Back », « San Junipero » et
« USS Callister ») anticipent de nouvelles interactions entre morts et
vivants via la mémoire numérique. Pour le meilleur ou pour le pire ?
[43]Sur Twitter, une micro-nouvelle dit : « Les tombes étaient
maintenant pourvues d'un numéro que l'on pouvait joindre par sms. On
tombait alors sur une intelligence artificielle qui simulait la
personnalité des défunts. Le service était très populaire, jusqu'au
jour où les tombes commencèrent à contacter les vivants. »

[1] [44]https://fr.wikipedia.org/wiki/Identité_numérique

[2] Fanny Georges. Éternités numériques. Les identités numériques post
mortem et les usages mémoriaux innovants du web. ANR Sociétés
innovantes Edition 2013,[45]〈hal-01575171〉

[3]GEORGES, Fanny, JULLIARD, Virginie (2016) « Profilopraxie et
apposition des stigmates de la mort: comment les proches
transforment-ils la page Facebook d'un défunt pour la postérité? ».
Linguas e Instrumentos Lingüisticos, 37, 2016.[Texte intégral gratuit
sur le site de la Revue Linguas] [46]〈hal-01575175〉
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Source .... : http://www.zdnet.fr/blogs/social-media-club/l-homme-eternel-est-ne-social-media-et-data-center-une-nouvelle-vie-apres-la-mort-39865674.htm#xtor=RSS-1
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